Faire rire : le défi de la scénariste Ingrid Morley-Pegge

Ajouté le 29 sept. 2021, par Florence Batisse-Pichet
Faire rire : le défi de la scénariste Ingrid Morley-Pegge

Le parcours professionnel de la scénariste Ingrid Morley.
Le parcours professionnel de la scénariste Ingrid Morley.
Le parcours professionnel de la scénariste Ingrid Morley. ©Ingrid Morley

Quand l’appel de l’écriture est plus fort que tout, c’est ce qu’on appelle la vocation. Scénariste contrariée pendant plusieurs années, Ingrid Morley-Pegge (44 ans) a d’abord co-écrit des films publicitaires au sein de la maison de production fondée avec son mari, le réalisateur Benjamin Euvrard. Et puis, en 2018, le couple décide de quitter Paris pour se consacrer à l’aventure d’un premier long métrage. Sortie le 18 août, leur comédie Attention au départ ! dont elle a eu l’idée originale, est leur petite victoire. Retour sur le parcours de cette passionnée qui évoque un métier insuffisamment valorisé.

Quel est votre parcours ?

J’ai une maman mauricienne cinéphile - qui nous emmenait au cinéma ! - et un papa anglais. On n’a jamais habité plus de 4 ans dans un même pays. Après des études de droit et du journalisme, j’ai fait de la communication dans un cabinet de conseil. Très vite, je me suis aperçue que l’écriture était ce que j’aimais par-dessus tout. Puis la vie a mis sur mon chemin mon futur mari, Benjamin Euvrard. on avait cette passion en commun. On a alors créé notre boîte de production qui nous a permis d’écrire des campagnes pour des marques et de réaliser plus de 200 pubs.

Depuis quand vous êtes-vous lancée comme scénariste ?

En 2016, j’ai décidé de franchir le pas. Mon mari et moi avons quitté Paris avec nos enfants pour vivre à la campagne. On savait que pour se lancer dans un long métrage, cela prendrait du temps !

Quel est le statut du scénariste en France ?

Notre statut est très précaire. Clairement, il faut faire autre chose en parallèle et ne pas aimer l’argent. Alors que le développement d’un film peut prendre deux ans, les scénaristes sont payés à l’achat du scénario puis ils perçoivent des droits d’auteurs, seulement quand l’œuvre est diffusée. À la différence du réalisateur qui lui, est payé par la production à 50 % en droits d’auteur pour son écriture de la réalisation et à 50 % en technicien, nous n’avons pas droit au statut d’intermittent du spectacle. C’est une grande différence avec les États-Unis, où les scénaristes sont considérés comme des stars et payés cher à l’achat du scénario.

Comment a été accueilli votre premier film sorti le 18 août ?

Notre film Attention au départ !  était prêt depuis 2 ans mais avec le Covid, sa sortie a été reculée. On a mis 3 ans à atteindre notre objectif. Il est sorti dans 407 salles et on pouvait espérer à 600 000 à 800 000 entrées. Au final, on a atteint 200 000 entrées. Si ce résultat est modeste, il est honorable. Il a mieux fonctionné en province qu’à Paris. De fait, on se situe dans les bons chiffres des plus petits films. En revanche, le sondage de satisfaction est très encourageant : 95 % des spectateurs interrogés à la sortie des salles sont très satisfaits du film ! Ce premier bébé est une grande victoire pour nous.

Quelle est la genèse du scénario de « Attention au départ ! »

C’est parti du récit d’une amie qui travaillait dans la cellule de crise de la SNCF. Elle m’a raconté comment un train complet et rempli d’enfants est parti sans les moniteurs car ces derniers fumaient sur le quai. Immédiatement, j’ai alors vu tout le film se dérouler.

Comment procédez-vous pour l’écriture ?

J’écris avec trois comparses : Benjamin Euvrard, Charly de Witte et Benjamin Dumont. Notre petit groupe de comédiens, auteurs et réalisateurs s’intitule Les Neveux à La Reine d’Angleterre. La lecture complice de notre producteur Maxime Japy (Les films du Castel) est essentielle. Ce dernier qui a été le bras droit de Claude Berri pendant 15 ans nous apporte un vrai soutien et peut aussi intervenir dans l’écriture. 

Des techniques spécifiques ?

Tricoter un scénario prend beaucoup de temps. Et même s’il y a des techniques, c’est un travail d’orfèvre
En gros, voici nos étapes de travail :

  1. Trouver la bonne idée ! On les liste et on procède par entonnoir pour ne garder que les meilleures. Cela peut partir d’un simple fait divers, d’une lecture, d’une scène du quotidien.
  2. Faire un pitch de deux pages pour dérouler l’histoire.
  3. Rédiger un synopsis avec le découpage des scènes.
  4. Écrire les dialogues pour donner vie à nos personnages. On se sépare en deux groupes. Vu qu’on est tous comédiens, on travaille à voix haute et on joue nos scènes. Chacun connaît les personnages par cœur (son histoire, son parcours, ses réactions, ses tics…) et peut donc intervenir facilement sur tel ou tel.

L’écriture des scénarios pour le petit écran est-elle différente ?

C’est une approche moins délicate et l’on sait que notre travail va être plus difficile. Du fait des quotas à respecter et des « cases » à remplir, nous avons plus de contraintes.

À votre avis, les comédies familiales attirent-elles toujours ?

Même si les comédies familiales ne semblent plus au goût jour, elles ont la cote sur les plateformes. D’ailleurs, d’ici 5 mois, notre film Attention au départ ! - parce que c’est une comédie - aura une seconde vie : il sera bientôt disponible sur OCS, puis sur M6 qui en a acheté les droits et enfin sur des plateformes. Quoi qu’on en dise, les comédies contribuent encore au rituel du film du dimanche soir.

Peut-on encore rire ensemble au cinéma ?

C’est une période très compliquée. Car outre le frein du pass-sanitaire et la concurrence des plateformes, le cinéma vit une révolution. Aujourd’hui, les gens sont devenus mono écran via leur tablette ou smartphone : ils ne partagent plus. L’effet de la grand’mess tend à disparaître. Toute la filière - distributeurs, producteurs et scénaristes - doit mener des réflexions de fond pour trouver les réponses adaptées.

Quelles sont vos prochaines actualités ?

Nous avons trois comédies sur le feu, dont un téléfilm qui sera diffusé sur TF1 à Noël prochain : Noël à tous les étages.

En avant-première, pouvez-vous nous donner le pitch de votre prochain long métrage ?

Il s’appelle Embouteillage. Le Président français reçoit un sombre dictateur dont la venue officielle occasionne un immense embouteillage dans toute la capitale. On assiste à un huis clos à ciel ouvert dans une rue de Paris, comme une radioscopie politique et sociétale, à travers toute une galerie de personnages insolites et loufoques. L’idée m’en est venue à la suite d’un embouteillage sur le périphérique : j’ai été immobilisée durant 3 heures, devant le barrage, à l’occasion d’une visite du président chinois. Se sont imposées à moi les scènes de mon prochain film. Nous sommes actuellement en casting.

Votre film culte ?

Pour leur légèreté et leur folie, j’aime toute la filmographie des Frères Cohen. Ce sont des odes à la faiblesse humaine dont on est tous pétris.

 

Pour rire un peu : lien vers la bande annonce de Attention au départ ! 
Pour suivre les actualités de Ingrid et ses acolytes : Les Neveux à la Reine d'Angleterre

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