30 ans dans les coulisses de l’Olympia avec Doudou Morizot

Ajouté le 27 avr. 2021, par Florence Batisse-Pichet
30 ans dans les coulisses de l’Olympia avec Doudou Morizot

Roger Morizot, régisseur de l’Olympia de 1954 à 1988.
Roger Morizot, régisseur de l’Olympia de 1954 à 1988.
Roger Morizot, régisseur de l’Olympia de 1954 à 1988. ©Graeme J. Baty

C’est une histoire dans l’histoire que celle que nous offre Roger Morizot, alias Doudou, dans son livre « Je les ai tous vus débuter » (L’Archipel, février 2021) ! À 90 ans, celui qui fut le régisseur de l’Olympia de 1954 jusqu’à son licenciement en 1988, raconte les coulisses de ce temple du music-hall.

Le temps fait son travail. Et la mémoire aussi. Pour raconter trois décennies dans les coulisses de l’Olympia, c’est le travail de toute une vie. En ouverture de son livre, Doudou Morizot se souvient des obsèques de son père spirituel, Bruno Coquatrix, parti à 69 ans, le 1er avril 1979. Ce dernier lui avait dit « Si ça te chante, prends des notes. Il faudra bien un jour qu’on sache ce qui s’est vraiment passé ici, devant le rideau et derrière… »  À partir de 1974, Doudou rassemble ses classeurs et carnets : « En tournée, quand je ne dormais pas et que ça tournait dans ma tête, je pouvais écrire seulement quatre lignes. Il y avait des notes partout et il a fallu les mettre en ordre. » Mais ce livre n’aurait pas vu le jour sans Emmanuel Bonini : « C’est au fil des investigations pour mes différentes biographies que j’ai tissé une amitié avec Doudou. J’ai fait sa connaissance en 1999, grâce à l’habilleuse de Joséphine Baker. Puis quand j’ai écrit sur Édith Piaf, Dalida, Sylvie Vartan, je lui ai demandé s’il avait des anecdotes à raconter… » Grâce à cette complicité, l’ancien régisseur a pu reconstituer l’immense puzzle de ses souvenirs. 

Né en 1930 dans une famille pauvre, ce Titi parisien reconnaît avoir dû payer « les impôts de la vie ». Il enchaîne les petits boulots dans l’univers des forains avec une première rencontre qui fait basculer son destin : Alexandre Bouglione. Ce dernier l’engage comme décorateur au Cirque d’hiver. Puis, en 1953, il accepte de le « prêter » à un certain Bruno Coquatrix qui souhaite remettre à flot la salle mythique de l’Olympia. Premier défi : refaire le décor ! Grâce au partenariat avec Europe 1, la machine est lancée, le succès est au rendez-vous. D’abord machiniste, il devient rapidement régisseur. Doudou a non seulement côtoyé les têtes d’affiche - Joséphine Baker, Sammy Davis Junior, Marlene Dietrich, Liza Minnelli, Frank Sinatra…- mais il a vu débuter toutes les stars de la variété française : Aznavour, Bécaud, Brassens, Brel, Dalida, Claude François, Hallyday, Mireille Mathieu, Polnareff…

Lucide, il reconnaît : « Le métier a changé et je suis tombé à la bonne époque. Je ne comptais pas mes heures car il fallait réussir coûte que coûte. » Grand cœur mais aussi « tête de lard », il reconnaît : « Je n’acceptais pas les caprices et je n’hésitais pas à remettre en place les emmerdeurs. J’étais ami avec tous les artistes. » Pourtant il évoque la cruauté de certains d’entre eux. Ce métier à ulcères - titre d’un des chapitres - n’est pas une vue de l’esprit : « J’en ai fait un avec Yves Montand. C’était un super pro d’une gentillesse extraordinaire mais exigeant. Pourtant, même dans les moments de découragement, je ne serais pas parti car l’Olympia, c’était ma maison. » Il évoque aussi les tournées avec Sammy Davis, Oum Kalthoum, Jerry Lee Lewis : « J’ai fait trois fois le tour du monde dans les années 70-80, mais je ne me rendais pas compte que je représentais Bruno Coquatrix.Les artistes ou techniciens ne parlaient pas français et moi, pas un mot d’anglais ! Comme dans la langue des signes, on arrivait à se comprendre. »

Taquin, il règle ses comptes, entre déceptions et petites trahisons, et révèle aussi les souffrances, les doutes, les chagrins. Car en filigrane de son récit personnel, Doudou Morizot nous plonge dans l’intimité de ces artistes qui sous les fards et les paillettes, sont seuls. Combien de ces chanteuses, de Dalida à Rika Zaraï, en passant par Gloria Lasso et Nicoletta, aura-t-il prises dans ses bras et consolées ? Il était bien plus qu’un régisseur : « J’étais leur confident, elles me racontaient leur vie. » Piaf ne l’avait-elle pas surnommé « ma p’tite gueule » ?  Son plus gros secret ? « Dans le bas de l’ancien rideau de scène, j’ai découpé un morceau que j’ai laissé tomber dans la tombe de Piaf, ma façon de lui rendre hommage. » 
Si la publication de son livre le met en joie, il ne peut s’empêcher de rappeler que la plupart ont disparu. Même Jean-Michel Boris, le directeur historique, qui lui avait écrit la préface, a été emporté par la Covid-19 en novembre dernier, deux mois avant la sortie. Quand on demande à Doudou, si après son licenciement, il est retourné au 28, boulevard des Capucines ? Sa réponse est sans appel :« J’ai dit : c’est terminé ». Pourtant grâce à ce travail de notes, c’est un véritable show qu’il nous donne à revivre en 250 pages. Merci l’artiste !

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