Rencontre avec Franck Desmedt, le directeur du mythique théâtre de la Huchette

Ajouté le 11 févr. 2020, par Florence Batisse-Pichet
Rencontre avec Franck Desmedt, le directeur du mythique théâtre de la Huchette

Les 60 ans du théâtre de la Huchette à Paris le 16 février 2017.
Les 60 ans du théâtre de la Huchette à Paris le 16 février 2017.
Les 60 ans du théâtre de la Huchette à Paris le 16 février 2017. ©Lot

À six ans, lors d’un voyage à Paris avec ses parents, Franck Desmedt découvre La Cantatrice chauve au Théâtre de la Huchette. Jeune comédien, il y fait ses débuts. Devenu directeur d’un théâtre à Bordeaux, il accueille des créations du théâtre parisien. Quand son prédécesseur part en retraite, il n’a pas hésité en 2015 à relever le défi. Retour sur la carrière du comédien, metteur en scène et directeur de la troupe de la Huchette.

Comment parvenez-vous à concilier la scène, la mise en scène et la direction d’un théâtre ?

Je m’intéresse à tous les corps de métiers : j’aime autant faire naître un spectacle depuis la coulisse, qu’être en scène et jouir de toutes ces choses auxquelles on a pensé préalablement. En tant que metteur en scène, j’ai besoin de savoir ce que tel choix de scénographie va impliquer dans le montage, etc. J’ai toujours considéré que le jeu, la mise en scène et l’interprétation sont un même métier. 

En tant que comédien, quels sont vos souvenirs les plus émouvants ?

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Lacenaire parce que c’est le premier spectacle que j’ai joué et mis en scène. Puis Voyage au bout de la nuit. Ce texte m’a marqué au fer quand j’étais lycéen. Vu que Céline véhicule, à juste titre, beaucoup d’aspects négatifs, j’ai d’abord hésité à le mettre en scène et à le jouer. Mais ce texte n’est pas coupable de ça et il me semblait important de l‘amener à la scène : je l’ai créé au Théâtre de la Huchette puis joué au Tristan Bernard. L’accueil du public ne s’est jamais démenti. Mais mon souvenir le plus fort en tant qu’acteur, c’est lorsque j’ai reçu le Molière pour mon rôle dans Adieu, Monsieur Haffmann en 2018. Je me régale actuellement dans Tempête en juin d’Irène Némirovsky au Théâtre La Bruyère.

La Huchette, c’est un théâtre mais aussi une troupe…

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Mondialement connu, le Théâtre de la Huchette est devenu mythique, par les deux pièces de Ionesco qui se jouent sans interruption depuis 1957 : La Cantatrice chauve à 19h et La Leçon à 20h. C’est aussi la maison des acteurs : ils sont chez eux. Ici, les anciens sont jeunes et les jeunes sont vieux parce qu’ils viennent jouer un classique avec beaucoup de respect ! Il règne une ambiance particulière mais magnifique entre ces deux générations qui cohabitent. En effet, La Leçon comme La Cantatrice respectent la mise en scène d’origine : on auditionne énormément car on veut des comédiens investis dans les personnages. D’ailleurs, hormis La Comédie française, nous sommes une des dernières troupes à Paris à pouvoir s’autogérer. On a au total quarante acteurs qui se remplacent : ils sont quatre comédiens par rôle. Ainsi on peut jouer hors les murs comme récemment à Hong Kong, en Roumanie ou aux États-Unis et simultanément ici. J’aime mon rôle de directeur de troupe car cela permet de créer des passerelles. 

Comment avez-vous abordé la programmation quand vous avez pris vos fonctions ?

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Quand je suis arrivé en 2015, j’ai compris que les deux pièces de Ionesco mangeaient la création : le spectacle de 21h. Comment éviter ce télescopage ? Partant de cette réflexion, le théâtre musical s’est imposé. Justement car il est a priori ce que l’on ne peut pas faire à la Huchette. L’espace étant trop petit pour accueillir beaucoup de musiciens, il fallait inventer une forme musicale adaptée au lieu. C’est ainsi qu’on est parti sur de premières commandes avec Kiki de Montparnasse, La Poupée sanglante, L’Écume des jours, Comédiens ! 

Comment procédez-vous pour chacune de vos créations ?

J’impose une thématique et je choisis une équipe. Puis le metteur en scène se charge du casting des acteurs qui ne sont pas forcément ceux de notre troupe. Mais je veille à garder du sens. En choisissant La Poupée sanglante, une œuvre moins connue de Gaston Leroux, j’avais en tête l’idée de la traiter comme un atelier d’acteurs. Avec L’Écume des jours, je souhaitais réunir Ionesco et Boris Vian, tous deux pataphysiciens, et donc établir une complémentarité, en associant la tradition et une création musicale. Pour Comédiens !, la création des 70 ans du théâtre, j’avais l’envie d’explorer plusieurs genres musicaux en plaçant l’action à l’intérieur du théâtre, depuis sa naissance en 1948. J’ai demandé un vaudeville qui se termine par un opéra ! Et la réponse a été un spectacle hors normes qui collait magnifiquement au lieu. Pour le prochain spectacle, j’ai choisi le thème du Brexit qui permettra de défendre nos spécificités françaises et de montrer nos oppositions avec le Royaume-Uni. 

Découvreur de talents, le théâtre de la Huchette a fait connaître Audiberti, Ionesco… qu’en est-il aujourd’hui ?

Nous avons à l’affiche depuis le 14 janvier 2020 « T’es toi », un texte de Éva Rami qui a une forme d’écriture particulière : elle écrit, met en scène et joue. Et fidèle à cette tradition, on peut nous soumettre des textes : tout est lu par un comité animé par Hélène Cohen. Quand il plaît, il est mis en lecture. À titre d’exemple, La Putain du dessus a d’abord été lu avant d’être monté. Les adhérents de l’Association des amis du Théâtre de la Huchette sont conviés à ces lectures. 

Comment produisez-vous vos spectacles ?

Les petits théâtres privés sont à l’image du bourdon. Cet insecte est bien trop gros pour voler mais il vole car il ignore qu’il ne le peut pas ! Si nos petites salles produisent, c’est parce qu’elles ignorent qu’elles ne peuvent pas le faire. Nous sommes aidés par un organisme de fond de soutien qui est un fond assurantiel. Cela nous permet d’avoir la moitié de l’argent avancé pour monter le spectacle et une garantie d’exploitation sur les soixante premières représentations ; si le spectacle marche, on continue, s’il ne marche pas, on a au moins soixante représentations pour le montrer. 

Le théâtre est-il en péril dans notre société des écrans ? 

On a prédit la mort du théâtre maintes et maintes fois. Il résistera car il est ce lien particulier entre les gens assis et la parole délivrée. Mais il demeure économiquement fragile et en tant que directeur, j’ai une responsabilité lourde car quarante acteurs vivent de ce lieu. Il faut donc être pertinent dans le choix des pièces : proposer des sujets en résonance avec ce que vivent les gens dans leur quotidien. Mon but est que les spectateurs soient augmentés par l’émotion et la connaissance en leur offrant un divertissement intelligent, un lien, une rencontre. 

 

Où retrouver Franck Desmedt à l’affiche en 2020 ?

Tempête en juin du 28 janvier au 24 février au Théâtre La Bruyère ;
Adieu Monsieur Haffmann, du 26 février au 2 mars au Théâtre de La Renaissance ;
Voyage au bout de la Nuit du 4 mars au 26 avril au Théâtre du Lucernaire ;
Le Visiteur avec Sam Karmann, pendant le Festival d’Avignon au Théâtre Actuel du 3 au 26 juillet puis en tournée.

Pour suivre la programmation du théâtre de la Huchettewww.theatre-huchette.com
 

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