Portrait de Raphaëlle Duroselle : cameraman à France Télévisions

Ajouté le 17 janv. 2023, par Florence Batisse-Pichet
Portrait de Raphaëlle Duroselle : cameraman à France Télévisions

Raphaëlle Duroselle, cameraman à France Télévisions.
Raphaëlle Duroselle, cameraman à France Télévisions. ©dr.

Depuis plus de 20 ans, Raphaëlle Duroselle est cameraman à France Télévisions. De l’écrit à l’image, retour sur le parcours d’une professionnelle aussi exigeante que passionnée, face à un métier en mutation.

Chaque vendredi, Raphaëlle Duroselle reçoit son planning de tournage pour la semaine. Notre rendez-vous est fixé au mardi. Elle ne sera pas en service. Durant notre entrevue téléphonique, elle passe en revue toutes les facettes d’un métier rarement mis à l’honneur, tout comme le preneur de son, autre oublié parmi les techniciens. Car contrairement au rédacteur, le JRI est peu valorisé. Le changement s’amorce avec la nouvelle génération qui elle, pratique les deux casquettes : une évolution également induite des économies de moyens et des nouvelles technologies. D’ailleurs, à 49 ans, Raphaëlle se considère déjà comme appartenant à une génération de dinosaures : « Les JRI de certaines chaînes infos se servent de smartphones pour tourner. Je regrette que notre métier soit devenu un super marché de l’info. Sur le terrain, on le constate : les journalistes ne sont plus respectés. » En revanche, le point positif de ces décennies reste la féminisation de la profession : « Il y a plus de dix ans quand j’ai rejoint France 2, nous étions six filles sur soixante garçons ; rares étaient celles qui pouvaient couvrir des terrains de guerre ! Pour dénoncer cette discrimination, j’avais pris l’initiative de motiver notre groupe de filles à ne pas se laisser faire. À la suite de cela, la chef de service a mis en place des binômes fille-garçon ! Mais je conçois que certaines rédactrices se sentent plus en sécurité avec un garçon. »

Son programme quotidien ? Chaque matin, conférence de rédaction à 9 heures. Puis dès que le sujet est validé, le compte à rebours est lancé : le sujet doit être prêt pour l’édition de 19 h. Avant de partir en reportage, elle prépare son matériel et donne un coup de main éventuel à son rédacteur, en passant quelques coups de fil. Souvent oublié, et c’est loin d’être un détail, elle évoque le poids des caméras. Les plus grosses pèsent entre 10 et 12 kg et les petites qui se tiennent à bout de bras, entre 5 à 6 kg : « Même si nous avons été sensibilisés par un kiné sur les meilleures positions à adopter pour soulever et porter la caméra, quand on est sur le terrain à courir, tout cela reste théorique. On souffre tous de tendinites et de douleurs cervicales ! » Sa solution ? Selon les types de sujets, elle alterne son matériel, le plus régulièrement possible : « Pour un spectacle, il faut un zoom puissant donc des cameras plus performantes que d’autres. Et pour filmer dans un appartement, j’ai besoin d’un grand angle, etc. »

Avant d’avoir le déclic de son orientation, elle reconnaît avoir pris des chemins de traverse. Après une année de théâtre au Cours Florent et un BTS de tourisme, elle cherche encore sa voie. Quand une de ses amies lui propose de l’accompagner durant six mois à New York, elle n’hésite pas. Elle a alors 22 ans. Une fois là-bas, c’est la débrouille ! De son expérience de vendeuse dans une boulangerie française, elle note ses impressions dans un carnet. Pourquoi ne pas devenir journaliste ? 

De retour en France, elle enchaîne les stages dans des magazines et des agences photos mais il n’y a aucune embauche à la clé. Elle décide de s’inscrire au CFPJ rue du Louvre, en section presse écrite : « Alors qu’aujourd’hui l’alternance s’est répandue, ce n’était pas encore très développé. Pourtant, cette formule permet au futur diplômé de se former sur le terrain pendant deux ans, tout en suivant ses cours. » En parallèle, elle pige pour les rubriques tourisme de différents titres mais se rend compte de la difficulté de ce statut : « Piger en presse écrite n'était pas rémunérateur. C’est pourquoi, j’ai fait le choix d’aller en télé. » 

Elle décroche son premier contrat à France 3 Corse. Durant 4 ans, elle est rédactrice et travaille en binôme avec des cameramen : « En les observant travailler, je me mets à découvrir un autre rapport à l’autre, à travers la caméra. » Quand France 3 Corse lui propose un CDI, elle a 29 ans. Elle le refuse « Ce n’est pas encore le moment. » et elle demande à suivre une formation à l’INA pour apprendre les bases du métier de JRI : « Aujourd’hui, même si je maîtrise les deux, je préfère être derrière la caméra. Le stress du rédacteur surgit au moment du montage car il faut écrire vite. Au début, je le vivais assez mal. Bizarrement, la caméra a détendu cela. »

Après 9 ans de CDD, elle obtient un CDI à France 3 Alpes mais très vite elle a l’opportunité de rejoindre la rédaction nationale de France 2. Elle est envoyée partout dans le monde pour des sujets de société, culture et politique : « Même si je n’ai pas suivi de guerres, je m’en suis approchée en couvrant des séismes au Népal ou en tournant au Kurdistan… J’ai pu aussi travailler pour des magazines comme Complément d’enquête, Envoyé Spécial, Un Œil sur la planète, 13h15 le samedi. » Parmi ses sujets les plus marquants, elle en évoque spontanément deux, le premier en Allemagne, le second en Polynésie : « En interviewant d’anciens membres de la Stasi et des victimes qui nous racontaient comment elles avaient été espionnées chez elles à leur insu, j’ai senti qu’on était au cœur de l’histoire. Inoubliable également fut la rencontre avec Gaston Flosse. Ce président-monarque recevait tous les mardis, dans son palais, pour accorder des requêtes à ses sujets : le clientélisme à ciel ouvert ! »

Actuellement rattachée à l’équipe de France 3 Ile-de-France, elle peut écrire sur les images qu’elle tourne elle-même : « La formation actuelle de Journaliste Reporter Image (JRI) prépare aussi à la rédaction, au tournage et montage. C’est important que les cameramen aient cette dimension de journaliste car il faut savoir raconter une histoire, imaginer la situation et mettre en scène. Nos voisins européens n’ont pas cette même approche. » 
Les qualités d’un caméraman ? Assurément la curiosité et la réactivité. Raphaëlle insiste sur la nécessité d’être constamment sur le qui-vive : « Sur le terrain, on n’a pas le droit à la faute ! Quand on tourne, on doit anticiper le montage. Si l’écoute est aussi importante que le regard, il faut en plus savoir oser s’approcher des personnes qui vont être filmées. » Les conditions de travail ne sont évidemment pas les mêmes, selon qu’il s’agit d’un sujet d’actualité chaude (attentat, tremblement de terre, manif, etc.) que de sujets « froids », c’est à dire préparés à l’avance. Paradoxalement, elle explique que ces sujets peuvent se révéler plus difficiles : « Certes, le rédacteur connaît les questions qu’il va poser mais il ne sait pas toujours comment il va monter son sujet. C’est donc à moi de faire le maximum d’images (des plans de coupe, d’autres plus serrés ou larges, etc.). » Complémentaire, l’association entre rédacteur et caméraman, repose sur une complicité mais Raphaëlle admet : « Il peut parfois y avoir un dialogue difficile et j’avoue que je ne peux m’empêcher de passer une tête au moment du montage. J’ai besoin de m’assurer qu’aucun rush n’est passé à la trappe. » La tentation de passer à la réalisation est l’un de ses rêves, mais c’est une autre histoire à écrire…

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